Eloge funèbre Elisa MARIÉ
02/04/1930 - 14/06/2024
Nous sommes tous réunis aujourd’hui pour t’honorer
Elisa MARIÉ née GAUDIERO.
Ceux qui t’ont connue vont se rappeler de toi comme d’une belle femme douce et tranquille qui savait réconforter par des mots d’apaisement et d’encouragement.
Moi je peux dire que tu avais aussi en toi une force peu commune pour vivre jusqu’à l’âge de 94 ans, en assumant toute seule les courses, ton intérieur parfaitement tenu, tes bricolages dont tu te faisais une fierté de me les raconter le soir au téléphone ou de rouspéter après le gouvernement ou la guerre ou me rappeler les fêtes ou les anniversaires des uns et des autres…
Régulièrement, tu allais jusqu’au marché avec ton caddie et ta canne et dès que tu le pouvais, tu nous recevais chez toi pour un bon repas préparé avec soin : « c’est bien meilleur qu’au restaurant, disais-tu » !!!
Car tu savais nous régaler d’une de ces recettes dont tu gardais le secret grâce à ton tour de main inégalé. Pas une cuisine sophistiquée, non, mais une cuisine familiale comme par exemple tes fameuses escalopes panées chères à Guillaume ou des recettes italiennes excellentes préparées avec amour grâce à des produits frais que tu allais choisir tout exprès chez les meilleurs commerçants. Tu t’en faisais un devoir, un honneur, un plaisir !…
Ton enfance entourée uniquement de ta mère et de tes 3 sœurs à partir de l’adolescence, a fait de toi une femme forte mais mélancolique et solitaire aussi, entièrement tournée vers ta famille que tu avais créée avec ton mari Tony, notre papa, et ses trois enfants : ma sœur Christiane aujourd’hui disparue, moi Odile et puis Alain mon frère. Nous étions ton espace, tes préoccupations quotidiennes, tes espoirs, tes chagrins, nous étions détenteurs d’un amour inconditionnel.
Tu aurais souhaité que chacun de nous 3 soit heureux encore plus que ce que tu as pu l’être …
Papa a su te protéger dans un bien-être matériel inconnu jusqu’à lui. Mais pas de superflu. Pas de vacances juste le quotidien.
Tes seules vraies vacances à 2 furent en Italie lors de votre voyage de noces : tu t’en souvenais encore et tu nous en parlais régulièrement.
Tout comme tes tours de vélo dans la ville d’Aix pendant la guerre, qui furent ces seuls moments vraiment sportifs…
Ainsi peut-être avais-tu besoin de te remémorer ces moments-là pour te mettre sur un pied d’égalité avec nous qui avons eu une vie différente si riche d’évènements et de toutes sortes de choses.
Tout comme l’école que tu affectionnais, mais où tu n’as pas pu aller sereinement, car bien que née à Marseille, tu étais considérée comme une immigrée italienne, une BABI. D’ailleurs tu as commencé à parler français seulement à l’âge de 9 ans en 1939 en entrant à l’école de la Belle de Mai.
Les 3 années d’école qui ont suivi, tu nous a toujours dit qu’elles t’avaient semblées bien trop courtes. Bonne élève, tu as obtenu ton Certificat de Fin d’études avec mention et tu aurais tant voulu continuer…
Mais la guerre en a décidé autrement
Tu es partie avec tes parents pour Aix-en-Provence pour échapper aux bombardements.
Tu es la revanche de cette grand-mère Rafaelle venue de Naples en France au début du siècle dernier avec son mari pour trouver une vie meilleure.
Dotée d’une force peut commune, Rafaelle, une fois revenue à Marseille en 1945 après la guerre, a divorcé puis a repris le flambeau de sa boucherie sur la place de la Belle de mai. Il faut imaginer cette femme seule, qui ne parlait pratiquement pas le français, mère de quatre filles dont ma mère était l’aînée, qui se levait tous les matins à 4h pour aller chercher les quartiers de bœuf sanguinolents, les chargeait sur son épaule pour les découper ensuite et les vendre dans sa boucherie tenue parfaitement propre. Il faut imaginer aussi le lavage du linge à la main et tout ce qu’une vie entre femmes peut comporter. Cette grand-mère, excellente couturière, cuisinière, et merveilleuse chanteuse a mené son petit monde à la baguette tout au long de sa vie. Elle est morte elle aussi à l’âge de 94 ans après avoir travaillé jusqu’à près de 76 ans.
Elle a transmis à Maman son goût du chant, de la couture, de la cuisine et a hérité de son père le goût du dessin ainsi que le chant.
À l’âge de 17 ans Maman était resplendissante et mon père a succombé à son charme… les 4 plus belles filles de Marseille d’après les dires d’un admirateur rencontré récemment et qui s’en souvient encore… Et maman était l’aînée de ces 4 beautés !
C’est papa qui a eu la joie et la fierté de se marier avec elle en février 1952.
Christiane est née en 57, moi en 59, Alain en 61.
Alors merci pour cette éducation qu’ils ont su nous donner, pour la scolarité dans des écoles privées qu’ils nous ont offertes pour que nous ayons chacun le meilleur départ dans la vie possible, bien différent de celui qu’elle et ses 3 sœurs ont vécu jeunes.
Alors Maman, aujourd’hui grâce à tous les sacrifices que tu as consentis, tu as réussi : ta descendance a une vie meilleure, plus confortable, avec la possibilité d’avoir des projets, des rêves
Nous sommes le porte flambeau de tous tes espoirs et chacun des enfants qui va naître cette année et ceux qui viendront plus tard, qui sait ? aura en lui cette parcelle de dignité, d’honnêteté, d’honneur, de force, de courage qu’elle nous a transmis à nous ses enfants.
Merci infiniment Maman
Merci aussi à toi, papa chéri qui lui avait offert cette vie meilleure qui lui a mis un toit sur la tête et qui va l’accueillir maintenant dans sa dernière demeure, le tombeau familial
Merci enfin à vous tous d’être venus nous soutenir dans cette épreuve qu’est le départ d’une maman et merci à tous ceux qui n’ont pas pu être là aujourd’hui mais qui nous ont adressé des témoignages d’amitié ou de soutien.
Je n’oublie pas que c’est aussi le départ d’une grand-mère et d’une arrière-grand-mère, qui aimait tendrement ses petits-enfants et son arrière petite-fille. Elle n’aura pas eu le temps de connaître les prochains mais elle y pensait déjà…
Dans notre ADN, en chacun de nous ses descendants, il persiste ses qualités, ses dons, ses goûts. À nous de les honorer, de les reconnaître et de les faire vivre le plus longtemps possible !
Oui, j’espère que nous saurons continuer à faire vivre dans les années à venir cette mémoire, tout ce qu’elle nous a enseigné et que nous saurons nous en montrer dignes.
Bon voyage, Maman chérie dans cet au-delà que je crois paisible et rempli d’amour pour toi. Nous t’avons accompagnée Alain et moi jusqu’au bout et c’est une certaine consolation
Bon voyage, Maman chérie… Nous nous retrouverons un jour prochain